RDC : Histoire de la Constitution du 18 février 2006, Tshisekedi a-t-il raison ?

Par Ismaël Akilimali John Peter

De passage à Kisangani, le chef de l’État Félix Tshisekedi a de nouveau évoqué sa volonté de réviser la loi fondamentale du pays, malgré les critiques formulées par l’opposition. Une commission d’experts doit être mise en place en 2025.

Félix Tshisekedi, Président de la RDC

Le jour de son investiture, le 24 janvier 2019, Félix Tshisekedi avait promis de « défendre la Constitution et les lois de la République ». Pourtant, cinq ans plus tard, c’est ce même texte adopté en 2006 que le président congolais appelle à modifier, l’accusant d’avoir été « rédigé à l’étranger et par des étrangers ».

MAIS, QUI ONT ELABORÉ LA CONSTITUTION DE LA RDC ?

Bob Kabamba, professeur de Liège en Belgique ayant été l’expert étranger dans l’élaboration de la Constitution congolaise du 18 février 2006 explique au cours d’un entretien cette semaine avec Christian Lusakweno, Directeur Général de TopCongo FM :

  1. L’avant-projet de la Constitution

« Le Sénat a été chargé par la Constitution de la transition en tant que constituante pour élaborer la Constitution. La première étape était celle de la mise en place d’une commission constitutionnelle au Sénat de la transition. Cette commission s’était retirée à Kisangani, chef-lieu de la province orientale à l’époque à Simisimi. La transition étant limitée en durée (2 ans, éventuellement 3), le travail devrait être vite fait pour ne pas laisser un vide juridique », a-t-il avancé.

Le contexte

Bob Kabamba ajoute :

« Étant dans le contexte des conflits avec des guerres recurrentes au pays, le texte à rédiger devrait enregistrer l’adhésion de tout le monde ».

Les experts

L’actuelle Constitution est « la formalisation de toute la lutte de l’UDPS et d’Étienne Tshisekedi », a dit professeur Auguste Mampuya, l’un de ses rédacteurs.

« Tout s’est fait autour d’Étienne Tshisekedi. C’est moi qui ai écrit l’article 220 (qui constitue un “ verrou ”, Ndlr). La Constitution de 2006 a ses origines dans les travaux de la commission constitutionnelle du Sénat de transition tenus à Simisimi (Kisangani) ». Cette 1ʳᵉ mouture n’a même pas été dictée par les belligérants Congolais. Le seul étranger qui était avec nous, le professeur El Hadj Mbodj, était Sénégalais. Le professeur Bob Kabamba et quelques Belges, qui sont passés les 2 jours qui ont suivi, n’ont jamais travaillé avec nous en permanence », a clarifié Mampuya.

  1. Le projet constitutionnel, le référendum et la promulgation

« Le Sénat a été alors accompagné par des experts nationaux et étranger. Il y avait un groupe permanent dans lequel figurait un seul étranger, Bob Kabamba (qui vous parle, Ndlr). Nous nous sommes réunis à Kinshasa pour 3 mois avec les sénateurs. J’ai proposé d’associer les professeurs Mampuya et Evariste Boshab qui était à l’époque Directeur de cabinet du président Kabila. À Kisangani, il y avait déjà Ferdinand Kampanga, Esambo,… donc 6 congolais venus en dehors du Sénat », a clarifié prof Bob Kabamba.

L’avant-projet du Sénat a été alors soumis à l’Assemblée nationale. Cette dernière, après discussion, l’amende et adopte le projet définitif de Constitution. Celui-ci est soumis à l’approbation du peuple congolais, par référendum, les 18 et 19 décembre 2005.

Les résultats sont sans appel : la Constitution est en effet adoptée à 84,31 %. Elle est ensuite promulguée, lors d’une cérémonie solennelle, par le Président Joseph Kabila le 18 février 2006.

Lire aussi RDC : Le changement de la Constitution est un « coup d’Etat » (Prof Bob Kabamba)

LE MÉRITE DE LA CONSTITUTION

Professeur Esambo, juge constitutionnel et l’un des Rédacteurs de la Constitution de la RDC du 18 février 2006 a tenu à vanter le mérite de cette loi fondamentale il y a de cela 2 ans :

« La constitution de 2006 nous a permis de quitter cette période d’incertitude vers la période de distribution démocratique du pouvoir. D’elle et à partir d’elle, les élections de 2006, 2011, 2018 ont été organisées et a permis la 1ère alternance démocratique au sommet de l’État en 2019. Sans cette Constitution, ça n’aurait pas été possible. Cette Constitution a des sources nationales et internationales ayant permis aux congolais de se doter d’un instrument juridique de référence, c’est l’une des meilleurs constitutions d’Afrique », avait-il assuré.

Rédaction

Il ressort partant de différents témoignages que la Constitution de la RDC du 18 février 2006 est bel et bien l’oeuvre des congolais à travers le Sénat de la transition qui s’est fait accompagné par quelques experts non permanents. Le texte étant rédigé au Congo à partir de Kisangani à Simisimi, il s’est inspiré des anciens textes du pays et de certaines dispositions qui présentent des similitudes avec les Constitutions étrangères du fait des sources internationales comme c’est le cas pour tous les pays du monde.

Dire tout haut que notre Constitution a été rédigée par les étrangers et à l’étranger, est une volonté manifeste de biaiser l’histoire congolaise, d’oublier le contexte de son élaboration et de plonger des miliers de congolais dans le doute. Mais, tout ça, pour quelles raisons ?

D’après notre analyse, « la machine de l’UDPS ayant compris depuis les élections de 2023 que le discours qui passe devant les congolais est celui d’attaques contre les étrangers », elle mise sur cette position pour rassembler autour d’elle plus d’opinions afin de changer la Constitution vu que l’article 220 verrouille la révision de nombre et de la durée des mandats du Président de la République.

A retenir

La Constitution de la RDC a été élaborée par les congolais et au Congo. Il s’agit de la meilleure constitution du pays depuis son accession à l’indépendance en 1960 ayant permis la première alternance démocratique du pouvoir. Chercher à changer cette Constitution c’est vouloir replonger la RDC dans la série des guerres qu’elle avait connue auparavant.

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